1. Considérations générales
Un oscillateur rigoureusement périodique garde dans le temps une amplitude constante. Pratiquement, les oscillations finissent par s’arrêter et l’oscillateur tend vers une certaine position d’équilibre : on dit que les oscillations sont amorties. En d’autres termes, si nous considérons un oscillateur soumis à une force ou un couple de rappel proportionnel à l’élongation, l’énergie de vibration n’est pas invariable dans le temps ; elle diminue avec le temps.
On est donc amené à admettre l’existence de forces et de couples qui accomplissent des travaux négatifs et qui contribuent à une diminution continue de l’énergie de l’oscillateur. Ces forces et couples dont les travaux sont constamment négatifs sont les forces de frottement, forces qui ne sont pas toujours définies simplement. Nous étudierons deux cas typiques que l’on rencontre souvent dans la pratique :
-
Force de frottement solide : en sens opposé de la vitesse et de grandeur indépendante de celle-ci ;
-
Force de frottement liquide (ou visqueux): en sens opposé de la vitesse et proportionnelle à celle-ci.
2. Amortissement par frottement solide
La force de frottement, en sens inverse du déplacement et d’une valeur constante F au cours du déplacement, s’ajoute à la résultante des forces appliquées.
Prenons comme force appliquée une force élastique : F=−k x. Supposons qu’à l’instant t=0, l’élongation par rapport à la position d’équilibre soit x=a0 et la vitesse v=0.
Naturellement, le mouvement ne peut se produire que si : k a0>Fsoit :a0>Fk
En vertu du principe de la dynamique, l’équation du mouvement s’écrit : m d2xdt2=−k x+F
Moyennant d’un changement de variable : d2Xdt2 km X=0avec :X=x Fk
Par intégration : X=A cos(ω t+φ)
Les constantes A et φ sont déterminées par les conditions initiales : t=0;x=a0;v=0
D’où : v=−A ω sinφ=0;X0=A cosφ=a0−Fk
Deux possibilités :
φ=2 K π ⇒ cosφ=1⇒A=a0−Fkφ=π+2 K π⇒cosφ=−1⇒A=−(a0−Fk)
On aboutit à deux conditions identiques :
[1]X=(a0−Fk) cosω t[2]X=−(a0−Fk) cos(ω t+φ)=(a0−Fk) cosω t
Le mouvement est donc unique et en définitive l’équation du mouvement à partir de l’instant t=0 est : x=Fk+(a0−Fk) cosωt
La vitesse s’écrit alors : v=−ω (a0−Fk) sinω t
Elle redevient nulle pour : ω t=πc-à-d :t=T2
L’élongation correspondante est alors : x1=−a0+2 Fk=a1
Entre t=0 et t=T/2 : x=Fk+(a0−Fk) cosω t
est représenté par l’arc de sinusoïde A0B1A1 de centre B1 avec : t=T4;x=Fk
Supposons que : a1<0c-à-d :a0>2 Fk
Le mobile A1 à l’instant T/2 est soumis à la force élastique de grandeur k a1 dirigée dans le sens A1,0. Celle-ci tend à ramener le point matériel vers sa position d’équilibre O.
La force de frottement est dirigée en sens inverse du mouvement éventuel pour valeur maximale F. Le mouvement vers les x positifs se produit si −k a1>F.
L’équation différentielle du mouvement est, à partir de la position A1 : m d2xdt2=−k x−F
ou encore : m d2dt2 (x+Fk)=−k (x+Fk)
Par intégration : x+Fk=a′ cos(ω t+φ′);v=−a′ ω sin(ω t+φ′)
On détermine les constantes par les conditions initiales : t=T2 :x=a1;ω t=π :v=0
C’est-à-dire : a1+Fk=−a′ cosφ′;a′ ω sinφ′
Deux possibilités :
φ′=2 K π ⇒cosφ′=1 ⇒a′=−a1−Fk=a0−3 Fkφ′=(2 K+1) π⇒cosφ′=−1⇒a′=a1+Fk=−a0+3 Fk
Dans les deux cas, l’équation du mouvement à partir de A1 est : {x=−Fk+(a0−3 Fk) cosω tv=ω (3 Fk−a0) sinω t
La vitesse redevient nulle à l’instant t tel que : ω t=2 π⇒t=T
Donc, de l’instant T/2 à l’instant T, la courbe représentative du mouvement est l’arc de sinusoïde A1B2A2 de centre B2 (t=3T/4 ; x=−F/k) se raccordant à l’instant T/2 à l’arc de sinusoïde A0B1A1.
À l’instant T, on a : x=a0−4 Fk
En définitive, le mouvement est représenté par des arcs de sinusoïde se raccordant aux instants T/2, 2T/2, 3T/2, … aux points d’élongation : a0, −(a0−2 Fk), (a0−4 Fk), …
Les amplitudes d’un même côté de la position d’équilibre diminuent en progression arithmétique de raison 4 F/k.
Les points d’accélération nulle sont situés alternativement sur les droites : (Δ) :x=Fk;(Δ′) :x=−Fk
et les points de vitesse nulle alternativement sur les droites (D) et (D′).
L’arrêt se produit lorsque, à vitesse nulle, la force de frottement maximale F est supérieure à la force élastique correspondante : Kk>|a1|
c’est-à-dire lorsque le point de vitesse nulle est situé entre les droites : (Δ), (Δ′) :x=±Fk
Comme d’autre part les points de vitesse nulle sont situés sur les droites (D) et (D′), cherchons l’abscisse commune des points C et C′ de rencontre des droites Δ et D ou des droites Δ′ et D′ : a0−4 τT Fk=Fk⇒τ=(a0−F/kF/k) T4
L’arrêt se produit au temps m T/2, entier immédiatement supérieur au temps τ : m ≥ 12 (a0−F/kF/k)=12 (k a0F−1)
L’élongation correspondante, comprise entre F/k et −F/k a pour valeur : x=(−1)m (a0−2 m Fk)
La position d’arrêt est conditionnée par le rapport k a0/F de la force élastique initiale et à la force de frottement solide, soit pour une raideur k et un frottement solide F donnés, par la valeur de l’élongation initiale a0.
Application
Soit à trouver la position d’équilibre de la partie mobile d’un appareil de mesure. Le frottement des pivots laisse indéterminée la position d’arrêt d’une quantité ±ε sans que nous ayons la possibilité de connaître la grandeur et le sens de l’erreur.
Il y a donc lieu pour tous les appareils de mesure comportant une partie mobile susceptible d’un frottement solide de réduire ce frottement à une valeur aussi petite que possible et d’augmenter la raideur k de l’oscillateur (ce qui revient à augmenter sa fréquence) de manière que l’erreur commise, provenant de l’indétermination du point d’arrêt, soit inférieure à la plus petite élongation que l’on peut apprécier.
Sinon, il y aura la possibilité de recommencer de nombreuses fois l’essai (en agitant l’appareil par exemple s’il est robuste) et chercher autour de quel point se répartissent les positions d’arrêt.
3. Amortissement par frottement visqueux
Dans le cas d’un frottement visqueux, la force de frottement est maintenant proportionnelle à la vitesse, soit : F=−f v=−f dxdt;f>0
L’équation différentielle du mouvement s’écrit : m d2xdt2+f dxdt+k x=0
Posons : fm=2 α ω0etω20=km
ω0 serait l’amortissement si le pendule n’était pas amorti ; α caractérise l’amortissement.
L’équation différentielle devient : d2xdt2+2 α ω0 dxdt+ω20 x=0
On sait qu’il faut chercher des solutions de la forme x=exp(r t), d’où : exp(r t) (r2+2 α ω0 r+ω20)=0
r est donné par l’équation (caractéristique) du second degré pour laquelle : Δ′=ω20 (α2−1)
3.1. Amortissements forts (α>1)
Il y a deux racines réelles négatives. La solution générale est donc : x1=A exp(r1 t)+B exp(r2 t);r1, r2<0
A et B sont déterminées par les conditions initiales.
Supposons, pour fixer les idées que : |r1|>|r2|. Au bout d’un certain temps : x≈B exp(r2 t), donc x→0 quand t→0 et le mouvement est apériodique.
Cependant x ne peut s’annuler pour un temps infini. En effet : |r1|>|r2|⇒|r1 A1|>|r2 A2|
On doit donc avoir |B|>|A|.
Comme A+B=a0>0, donc B>0 et A<0.
On a constamment : |B exp(r2 t)|>|A exp(r1 t)|⇒x>0
3.2. Amortissement critique (α=1)
L’équation possède une racine double r=−α ω0.
D’où la solution : x=exp(r t)(A+B t)=exp(−α ω0 t) (A+B t)
On voit que x →0 quand t →∞. On dit que le mouvement est critique.
3.3. Mouvement sinusoïdal amorti (a < 1)
Deux racines complexes conjuguées : (r1, r2)=−α ω±j ω;ω=ω0 √1−α2
La solution générale de l’équation est : x=exp(−α ω0 t) (A cosω t+B sinω t)
Solution qui peut être mise sous la forme : x=exp(−α ω0 t) sin(ω t+φ);(a, φ) ctes
Ce mouvement n’est pas en toute rigueur oscillatoire. On le désigne sous le nom de mouvement sinusoïdal amorti.
On peut toujours choisir l’origine des temps de sorte que φ=0. Nous avons toujours : |x|≤aexp(−α ω0 t)
On aura donc :
x=a exp(−α ω0 t) pour sinωt=1 c-à-d :t1=π2 ω+2 K πωx=−a exp(−α ω0 t) pour sinωt=−1c-à-d :t1=−π2 ω+2 K πω
La courbe d’équation : x=a exp(−α ω0 t) sinω t
est tangente aux exponentielles : x=a exp(−α ω0 t)
aux points d’abscisses t1, t1+2 πω, …
et tangente aux exponentielles : x=−aexp(−α ω0 t)
aux points d’abscisses t1+πω , t1+3 πω, …
On dérive par rapport au temps pour obtenir la vitesse. On trouve que : v=0pour :tanω t=ωα ω0=√1−α2α
C’est-à-dire pour : sinω t=±√1−α2⇒ω t=±arcsin√1−α2
Si a est petit, v=0 pour : ω t≅π/2.
Partant de la relation : ω t=±arcsin√1−α2
on peut écrire : x=±a √1−α2 exp(−α ω0 t)
On voit alors que les maximums et les minimums se placent respectivement :
-
sur l’exponentielle affine de x=a exp(−α ω0 t) dans le rapport √1−α2 ;
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sur l’exponentielle affine de x=−a exp(−α ω0 t) dans le même rapport.
3.3.1. Pseudo-période
On appelle pseudo-période l’intervalle de temps séparant 2 élongations, nulles ou maximum : T=2 πω=2 πω0 √1−α2=T0√1−α2
T0 : période qu’aurait l’oscillateur en l’absence de frottement.
3.3.2. Décrément logarithmique
Soient 2 élongations maximales successives :
xn=a √1−α2 exp{−α ω0 tn}xn+1=a √1−α2 exp{−α ω0 (tn+2 πω)}
Il vient : xnxn+1=exp(α ω0 2 πω)=exp(α ω0 T)
On désigne sous le nom de décrément logarithmique la quantité : δ=lnxnxn+1
On a donc : δ=α ω0 T=2 π α ω0ω=2 π α√1−α2
Soit finalement : δ≅2 π αdans le cas où α≪1
3.3.3. Constante de temps de l’oscillateur
Posons : α ω0=1θouδT=1θ
θ : constante de temps de l’oscillateur.
L’équation du mouvement devient alors : x=a exp(−tθ) sin(ω t+φ)
θ est l’intervalle de temps au bout duquel l’amplitude a été divisée par e.
3.3.4. Ordre de grandeur de la variation de période
Cette variation de période est introduite par l’amortissement. Considérons une oscillation très amortie, où l’amplitude est divisée par e à chaque oscillation.
On a alors : θ=T⇒δ=1
D’autre part : T=T0√1−δ24 π2≈T0 (1+δ28 π2)
En particulier : δ=1⇒T=T0 (1+180)
Ainsi, ΔT/T0=1,25 % seulement, bien que l’amortissement soit considérable.
3.3.5. Points de vitesse nulle
Par extension au plan complexe, on peut représenter l’équation du mouvement par : {z=a exp(−α ω0 t) exp[j (ωt+φ)]ρ=a exp(−α ω0 t);θ=ω t+φ
On sait que : tanV=dρdρdθ=ρ dθdρ=ω ρ dtdρ
Or, on a par ailleurs : dρdt=−α ω0 ρ⇒tanV=ωα ω0
Soit encore : β=V−π2⇒tanβ=α ω0ω=cte
La droite qui fait cet angle avec le rayon vecteur coupe la spirale en un point à tangente horizontale : l’oscillateur a alors une vitesse nulle.
3.4. Analogie électrique
VA−VB=L didt=L d2qdt2VB−VC=R i=R dqdtVC−VA=qC
En faisant la somme : L d2qdt2+R dqdt+qC=0
En notant que V=q/C : d2Vdt2+RL dVdt+1L C V=0
On pose généralement : RL=2 α ω0;1L C=ω20
Discussion
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α>1 : Mouvement apériodique R2 L ω0>1ouL ω0R<12
Cette dernière quantité est la surtension ou l’acuité de résonance.
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α=1 : Mouvement apériodique L ω0R=12
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α<1 : Mouvement oscillatoire amorti L ω0R>12
Les relations de solution sont identiques aux précédentes (mécaniques) à savoir :
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Équation du mouvement : x=a exp(−α ω0 t) cos(ω t+φ)
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Décrément logarithmique : δ ≅ 2 π α
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Constante de temps : θ=1α ω0=2 LR